Macron se sert d’une Constitution détournée et défigurée pour mieux obéir, de son propre aveu, aux marchés financiers. Le contraire du gaullisme!
L’avantage des interpellations en fin d’article -in cauda venenum- comme celle de Frédéric Magellan dans son éloge du 49-3, c’est qu’elles vous forcent à réfléchir, même si cette interpellation était un peu faite sur le ton de OSS 117 joué par Jean Dujardin dans Rio ne répond plus, quand il sermonne l’espionne israélienne : « Non, mademoiselle, ce n’est pas une dictature, c’est la France, la France du Général de Gaulle. » Jusque-là, soyons honnête, j’avais lu cet article comme un exemple typique de ce conformisme de l’anticonformisme (vous savez, comme quand on portait une épingle à nourrice dans le nez et des crêtes iroquoises rose fluo sur la tête, au lycée, pendant les années punk).
Leroy VS. Magellan
L’utilisation du 49-3 met le feu, au propre et au figuré au pays. Même la minorité présidentielle des députés s’est sentie offensée, mais Frédéric Magellan avait décidé d’en faire l’éloge, histoire de choquer le bourgeois… Pas seulement le bourgeois d’ailleurs, mais aussi le monde du travail, on rappellera la persistance de ce chiffre accablant : neuf actifs sur 10 sont contre ce projet. Soit Frédéric Magellan n’est pas actif, soit il est masochiste et veut travailler jusqu’à 70 ans.
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Mais une chose est certaine, il n’est pas gaulliste. On me dira mais qui es-tu, toi, pour décerner des brevets de gaullisme ? Je répondrai qu’on pourra regarder par ici. J’y explique notamment, à l’occasion des 50 ans de la mort du Général, l’alliance implicite qui a toujours existé entre gaullistes et communistes pour des raisons qui se jouent du côté de la Résistance et, plus tard, sous la Vème, précisément, avec un compromis historique implicite qui durera jusqu’au moment où le PCF comme le gaullisme en tant que mouvement politique constitué (en gros, jusqu’à l’UMP) ont cessé d’être les forces dominantes et structurantes du paysage politique français.
Le gaullisme, depuis le 18 juin 40, n’a d’ailleurs jamais été une légalité mais bien plus une légitimité. Se féliciter du 49-3, qui est légal, c’est oublier la légitimité du soulèvement antilibéral du peuple français. C’est oublier la radieuse exception qu’il représente dans son refus d’une mesure injuste. Ce que les commentateurs autorisés présentent comme une aberration – quoi, on refuse d’être aussi esclaves que nos voisins ? c’est précisément son honneur. En 1789, les ancêtres de Frédéric Magellan comme de Ruth Elkrieff ont certainement dit : « Mais enfin, les Français sont fous, ils n’agissent plus en concertation avec leurs partenaires européens qui sont tous des monarchies. Et puis la monarchie, c’est la France, Monsieur, la France de Louis XVI ».
Une fétichisation de la Ve qui ouvre la voie à la « démocrature »
Quant à la Vème république, la fétichiser parce qu’elle serait l’œuvre du général de Gaulle, c’est oublier le nombre de coups de canifs qui lui ont été portés par tous les gouvernements successifs depuis ; le plus important, qui a achevé de la défigurer, étant la coïncidence de facto entre l’élection du président de la République et celle de l’Assemblée nationale, lors du referendum sur le quinquennat qui a complètement déséquilibré le rapport de force entre le président et un parlement croupion. On en mesure tous les effets délétères, et même catastrophiques, depuis 2022. Une chambre ingouvernable à cause d’un président encore plus mal élu que la dernière fois, le retour du régime des partis, où des formations charnières, comme les LR, se mettent à faire et défaire des majorités de circonstances.
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Alors, oui, je persiste et signe, la France glisse tranquillement dans une démocrature qui, on peut l’espérer, sera mise en échec. Une attitude gaulliste de Macron consisterait dans la situation actuelle à démissionner, ou à dissoudre l’Assemblée nationale, ou à retirer son projet. Une dernière chose et non des moindres: l’obstination de Macron, de son propre aveu, s’explique par le fait qu’il n’est pas au service du peuple français. Après le coup du 49-3, il s’est justifié en déclarant : « Je considère qu’en l’état, les risques financiers et économiques sont trop grands ».
De Gaulle, lui, en d’autres temps, avait dit dans une conférence de presse en 1966, en réponse à un journaliste qui aujourd’hui travaillerait comme économiste de garde sur les chaînes infos : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. »
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