Dans 33 ans avec vous, la vedette de TF1 relate un tiers de siècle de journal télévisé au plus près des campagnes.
« Jean-Pierre Pernaut accomplissait chaque jour cette tâche messianique consistant à guider le téléspectateur, terrorisé et stressé, vers les régions idylliques d’une campagne préservée, où l’homme vivait en harmonie avec la nature », analysa Michel Houellebecq dans La Carte et le Territoire. À l’époque cette phrase surprit l’intéressé, assure ce dernier, qui se décrit pourtant comme « profondément attaché à la nature, aux racines, aux terroirs, aux traditions ».
JPP visionnaire
Il y a quinze ans, un chroniqueur de Voici estimait que « Jean-Pierre [présentait] un journal pour les bouseux ». En septembre dernier, un fameux « spécialiste des médias » écrivait dans Libération que Pernaut incarnait « la France mythologique des marchés et des clochers, de l’école en blouse et des déjeuners à la maison ». Ont-ils déjà franchi le périphérique parisien ? Dans les années 1990 et 2000, avant l’essor des chaînes d’information continue, des millions de Français ont rompu le pain à l’heure du déjeuner devant la grande communion du 13 heures. On a tous un ami d’enfance vivant dans un village ou une grand-mère isolée chez qui on a religieusement regardé au moins une fois les reportages dans la France profonde de Pernaut. Que l’on en soit un adepte ou que l’on juge ces incursions à la campagne d’une platitude abyssale, Pernaut est comme un ami de longue date qui a toujours fait partie du paysage.
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En lisant 33 ans avec vous, on entend la voix de JPP comme au temps du JT. De ses débuts au Courrier Picard à ses adieux au JT en septembre, l’Amiénois relate son parcours l’ayant mené jusqu’au fleuve Parana au Brésil, au pays du soleil levant ou en Inde avant de retourner sciemment à ses racines pour présenter, 33 ans durant, un journal « pour les vrais gens ». 115 000 reportages dans les villages -y compris les plus paumés- et leurs marchés, 15 000 consacrés aux terroirs lors de cette époque pas si lointaine où la seule évocation de « traditions », « patrimoine rural » ou même « produits locaux » faisaient doucement rigoler une petite élite qui n’avait d’yeux que pour les métropoles cosmopolites, leur bouffe multiculturelle et le grand marché mondial. Il y a eu ensuite les gilets jaunes puis la crise sanitaire. « Déléguer notre alimentation est une folie », déclarait Emmanuel Macron il y un an tandis qu’en octobre, 60% des Français se disaient désormais favorables au protectionnisme. Donnant bien avant la parole aux petites gens dont tout le monde se foutait, Pernaut était un visionnaire.
Conservateur à l’ancienne
De toutes ces années où il s’est quotidiennement « invité à déjeuner » chez les Français, Pernaut ne regrette rien. Au risque de lasser le lecteur, il lance constamment des fleurs à son équipe et à ses téléspectateurs. « Années fabuleuses », « aventure inouïe », « magnifique » utilisé une bonne trentaine de fois, envolées enthousiastes ponctuées par des exclamations, Pernaut ne lésine pas sur les guirlandes quand il s’agit d’honorer ses soutiens. Pas naïf mais optimiste, ce conservateur à l’ancienne tacle gentiment les « grincheux » qui snobent l’élection de Miss France. Mais n’attendez pas qu’il règle ses comptes avec la « petite élite parisienne », Pernaut n’a pas le temps pour ces querelles de médias, il sait que le salut viendra des « vrais gens », des petits pavillons, des agriculteurs et des champs.
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En une de France Dimanche pas plus tard que cette semaine sous un titre infamant, JPP ne déborde pas d’amour pour la presse à scandale et ses paparazzis, « désormais remplacés par le fléau des réseaux sociaux », analyse-t-il. S’il ne s’attarde guère sur le sujet, il prédit qu’ « on va longtemps regretter la télé d’avant, où l’on pouvait s’amuser, rire de presque tout dans les émissions de divertissement, et donner les informations dans les JT sans craindre de se faire lyncher sur la Toile par des aigris, des jaloux et des pisse-froid du politiquement correct ». N’en jetez plus ! Septuagénaire increvable, Pernaut anime tous les samedis Jean Pierre et vous pendant une heure et quart (!) sur LCI. Au menu, « parole aux Français » et « formidables » richesses régionales. Ceux qui coupent les écrans le week-end peuvent se plonger dans 33 ans avec vous !
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