Cela dit, il semble que pour David Lisnard, Nicolas Sarkozy n’est plus un sujet…
Rien n’est jamais innocent dans les propos de Nicolas Sarkozy. Questionné par Pascal Praud, sur Europe 1, l’ancien président a mentionné quatre personnalités talentueuses et plausibles pour 2027 : Gérald Darmanin, son préféré, Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez et Edouard Philippe. Ce dernier, dans un sondage récent, est largement en tête, en tout cas dans le camp macroniste. Pourquoi Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas cité David Lisnard, le maire de Cannes, qui va se représenter à la présidence de l’AMF et qui, à l’évidence, depuis quelques mois, sur le plan des idées, du projet et de l’organisation de son mouvement, paraît ne plus se désintéresser de l’échéance de 2027 ? D’abord, il me semble que pour David Lisnard, Nicolas Sarkozy n’est plus un sujet. Il ne le critique pas, il ne le loue pas: son attitude est d’indifférence. Je suis persuadé que ce n’est pas le meilleur moyen de mobiliser Nicolas Sarkozy à votre égard !
David Lisnard contre les petits hommes gris
Ensuite, David Lisnard ne participe pas aux jeux d’appareil – en tout cas, pas encore, mais je doute qu’il s’y livre même un jour – et ce n’est pas lui qui, comme Eric Ciotti, se mettra ostentatoirement au service d’un autre candidat, en l’occurrence Laurent Wauquiez. Que Nicolas Sarkozy préfère Gérald Darmanin qui n’est plus chez LR n’émouvra pas davantage David Lisnard ! Par ailleurs, il y a dans la démarche de David Lisnard une manière de penser et de faire qui ne relève pas des processus traditionnels de conquête. Maire de Cannes, s’appuyant sur son action exemplaire et largement plébiscitée, président, avec pugnacité et courtoisie, de l’AMF, structurant son microparti Nouvelle énergie, il avance pas à pas, sans affirmer prématurément une ambition présidentielle. Il est clair que cette stratégie, même en fuyant les éclats, les provocations et les promesses inconsidérées, n’a de sens que portée par une finalité qui trouvera son issue en 2027.
Probablement y a-t-il dans cette rectitude discrète, cette constance dans son adhésion aux Républicains sans la moindre équivoque ni tentation clientéliste, un comportement qui déplaît à Nicolas Sarkozy dont les sinuosités – caractérisées notamment par un abandon de son camp quand ce dernier a eu besoin de lui – tranchent avec la clarté de David Lisnard ?
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Sur un autre plan qui est capital, David Lisnard appartient à une catégorie politique, dans laquelle se trouve également Bruno Retailleau, qui mêle intimement et profondément la réflexion sur la politique et le pouvoir et le pragmatisme face au réel. Il y a chez le maire de Cannes une tentation d’être un intellectuel au regard de l’ensemble des problématiques qui concernent, entravent ou bouleversent la France et le monde, heureusement compensée par une efficacité et des résultats démontrant qu’il ne se paie pas de mots. Il suffit pour s’en convaincre de lire le remarquable entretien qu’il a donné à Valeurs actuelles, avec notamment ce double constat : « Nous sommes en déclassement depuis cinquante ans et en chute libre depuis dix ans » et « Il nous faut en finir avec le régime des technocrates de même qu’il fallait en finir avec le régime des partis en 1958 ». Ceux que Pascal Praud nomme « les petits hommes gris ».
À quand le pas décisif?
Que Nicolas Sarkozy n’ait pas fait allusion à David Lisnard pour la joute finale de 2027 est d’autant plus une aberration, voire une injustice que, contrairement à ce que croient certains, on ne pourra pas départager les concurrents pour 2027 au sein de LR sans une véritable et authentique primaire. À la supposer restreinte aux certitudes d’aujourd’hui, elle aurait cependant de l’allure entre Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand et David Lisnard. On ne peut plus se permettre à droite la multiplication de choix erratiques quoique validés: Ciotti à la place de Retailleau, Valérie Pécresse dont la campagne a démontré la faiblesse dans l’argumentation et l’oralité. Il sera d’autant plus fondamental de favoriser un débat partisan de grande qualité que du côté des transfuges d’hier nous avons virtuellement en lice Édouard Philippe, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire. Avec la consolation que probablement la gauche et l’extrême gauche ne seront pas de la partie au second tour et la certitude que Marine Le Pen y sera avec – je le maintiens – une nouvelle et dernière déconfiture.
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J’ai parfois jugé que David Lisnard était tellement précautionneux, scrupuleux, nuancé et complexe qu’il me donnait l’impression d’hésiter face à l’échéance fondamentale de 2027: celle à partir de laquelle on pourra espérer un vrai changement par rapport à ce que David Lisnard avait si lucidement qualifié, dans « Bilger les soumet à la question » (vidéo ci dessous), de « théâtralité narcissique » à propos d’Emmanuel Macron. Dans sa tête, je suis convaincu qu’il a déjà fait le pas supplémentaire et décisif qui convenait. Oublié par Nicolas Sarkozy, ce ne sera pas grave, si demain, avec ses concurrents LR, il n’est pas oublié par le peuple français…
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