Tandis que la France se fracture de plus en plus et que la culture continue à être « cancelée », le président de la République cherche un 7e souffle dans la 3e dimension et on décrète l’année internationale du lama. 2024 mérite tout notre optimisme. Le regard d’Henri Beaumont…
2024 sera olympique à Paname, électorale aux États-Unis et en Europe, l’année internationale des camélidés – décrétée par la Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – et de tous les dangers. Le Temple du soleil, Zorrino, les lamas, les sondages sont têtus. Le suffrage universel et les populistes qui veulent le gouvernement du peuple pour le peuple, menacent la démocratie. Quand la masse fâchée, la masse toujours faire ainsi… « Peu à peu nous prenons l’habitude du recul et de l’humiliation, à ce point qu’elle nous devient une seconde nature. Nous boirons le calice jusqu’à la lie » (Lettre du colonel de Gaulle à sa femme, 1er octobre 1938, lendemain des Accords de Munich).
Mayday ! Scramble !
Ça chauffe en Ukraine, au Moyen-Orient, en mer de Chine, chez nous aussi. La récente enquête Ipsos, « Fractures françaises », confirme la gravité des fractures et mécontentements. 64 % des Français estiment « qu’aujourd’hui on ne se sent plus chez soi comme avant », 69% que le système démocratique fonctionne mal, 82 % que le pays est en déclin (+7 points depuis 2022), 91 % que la société est violente, 82 % que le pays « a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre ». Obélix de la zizanie, Gégé fracasse les réveillons et générations : Falbala contre Bonemine. Les arguments s’effritent, les positions se durcissent, Macronix s’enferre. Splendeurs et misères des crises de nerf, pétitions, damnatio memoriae, grandes illusions et petites comédies françaises.
Les convulsionnaires de la vertu, pourtousistes acéphales, Médées furieuses et enragées, s’agitent comme Philippulus au milieu des surmulots dans L’Île mystérieuse. Assoiffés de buzz, à la recherche d’un fromage, d’un siège, d’une chaire, à l’Hamas, ils soufflent sur les braises de l’histoire, allument d’imbéciles guerres de sexes, de races, de genres, font passer leurs anchois avariés pour des produits exotiques. Le wokisme a perdu la bataille du progrès, a oublié le plan B et les lendemains qui chantent mais réussit là où Marx, Proudhon, Albator, Jack Lang ou Thomas Piketty ont échoué : destruction du travail, des savoirs, de la famille, des nations, de la civilisation occidentale, bordélisation du monde et tabula rasa. Nos meilleures années, Vanina, Les Valseuses, Vincent François Paul… et les autres, La Vie devant soi, c’était en 1974, il y a un demi-siècle, une éternité. « Le Français a gardé l’habitude et les traditions de la révolution. Il ne lui manque que l’estomac : il est devenu fonctionnaire, petit-bourgeois et midinette. Le coup de génie est d’en avoir fait un révolutionnaire légal. Il conspire avec l’autorisation officielle. Il refait le monde sans lever le cul de son fauteuil » (Camus).
L’œil sombre, les muscles chétifs, ivre de probité candide et de vin rouge, le QI entre l’IA, deux chaises et trois slogans, la jeunesse déprime sur Insta et TikTok. Qui suis-je, où vais-je, qu’est-ce qu’on mange à midi ? « L’eau pure fait des goitreux ; les idées pures font des crétins » (Miguel de Unamuno). De mal en PISA, le mammouth de l’École des fans s’enfonce dans les classements de l’OCDE : 26e place en mathématiques et sciences, 28e place en compréhension de l’écrit. Quels enfants allons-nous laisser à notre monde ? Gabriel Attal – le Hussard sur le moi – hésite entre un Grenelle de la dictée, le Yalta de la blouse, un plan Marshall de l’estime de soi ou un grand choc de compétences comportementales… « Les faits sont inexorables, ils ne connaissent point la pitié » (Léon Bloy).
L’Elysée est un temple où de mouvants piliers / Laissent souvent sortir de confuses paroles / Jupiter passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards fatigués (d’après Baudelaire). A la recherche d’un 7e souffle dans la 3e dimension, Emmanuel Synchrotron veut « accélérer en même temps sur le plan de la transition écologique et de la lutte contre la pauvreté », prépare un grand rendez-vous avec la notion et le sentiment tragique de l’avis. Il met sur la table un lunaire « pacte mondial pour le climat et une réforme de la gouvernance financière mondiale ». Au Cap Carnaval depuis 2017, Goldorak Président, tourne en rond comme les Dupond dans le désert, collisionne les Mormons, fracture les protons, muons, neutrinos, zig-zags, les quarks et les couacs. « Le caractère des Français demande du sérieux dans le souverain » (La Bruyère).
Informe, l’Europe implose : un monde sans volonté ni représentation. La RSE (responsabilité sociétale des entreprises), Directive CSRD sur la durabilité, les devoirs de vigilance, lanceurs de transparence, transitions vers les trottinettes à hydrogène, le compost de guano, la décroissance productive, la sobriété festive, le thé dansant sur le Titanic, ne changent rien à la maldonne et aux délices de Kaput. « Le délire est plus beau que le doute, mais le doute est plus solide » (Cioran). La nostalgie est un luxe qui devient suspect. Essayons de sauver le meilleur du monde d’avant, le sombre plaisir d’un cœur mélancolique.
Anniversaires, flash-back et résistance
24 comme le nombre de chants de L’Iliade ou L’Odyssée, les préludes de Chopin et Debussy, les albums de Tintin. 2024, ce sera aussi le centenaire de Bibi Fricotin, Marcello Mastroianni, Marlon Brando, Lauren Bacall, Claude Sautet, Charles Aznavour, de l’Histoire de France de Jacques Bainville. C’est doux de revenir aux sources du passé… En 2024, les littéraires auront une pensée pour Louise Labé et Ronsard (1524), Joubert et Byron (1824), Michelet et la comtesse de Ségur (1874), Kafka et Anatole France (1924), sans oublier Marcel Pagnol (1974).
« Le plus beau métier du monde, finalement c’est bibliothécaire… Oh non, je ne parle pas d’une grande bibliothèque mais d’une petite, dans une petite ville de province, en Bretagne, par exemple une bibliothèque municipale. Quel calme ! Quelle belle vie ! Puis, quand arrive la soixantaine, on se met à écrire une monographie de quatre-vingts pages : Madame de Sévigné est-elle passée par Pontivy ? Alors on devient frénétique, on envoie des lettres cinglantes au chanoine qui chicane sur une date, on embête tout le monde… Oui, croyez-moi, bibliothécaire c’est le plus beau des métiers » (Charles de Gaulle à François Coulet, son officier d’ordonnance, printemps 1942).
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !