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2022, «Je reviens te chercher…»


2022, «Je reviens te chercher…»
Le président Macron et Élisabeth Moreno, Journée de la gonzesse, Paris, 8 mars 2022 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Bécaud, Jupiter, Athéna et Ulysse


« Je reviens te chercher ; Je savais que tu m’attendais ; Je savais que l’on ne pourrait ; Se passer l’un de l’autre longtemps ; Je reviens te chercher ; Ben tu vois, j’ai pas trop changé … ». Emmanuel Bécaud, plus riche qu’aux jours passés, de tendresse et de larmes et de temps, veut rempiler cinq ans, fait les yeux doux à Marianne. Va-t-il pécho ? Beaucoup de prétendants au grand karaoké présidentiel. Le port du masque est obligatoire.

Monsieur 100 000 voltefaces

Fini la blitzkrieg de 2017, le hors-pistes rouges, noires, vertes, bleus, la marche radieuse vers l’empyrée du « monde d’après ». L’usure du pouvoir, les gilets jaunes, les couacs dans la gestion du Covid ont laissé des traces. Derrière le foulard d’un Lucky Luke pacificateur, se cachait un Dalton bien ordinaire. Après Jo Sarkozy et Averell Hollande, William Macron boucle son quinquennat ; In medio stat virtus. Jupiter des hommes n’a pas réussi à réconcilier les Français. La Concorde, ce sera peut-être saison 2, Inch Allah et Largo Winch. Pour rester sur le trône, il reste les vieux adages : Diviser pour régner ; Feignons d’être l’ordonnateur (et l’emmerdeur) des mystères qui nous dépassent ; Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent… Après les Mormons, un commando de Témoins de Jéhovah, frères Bolga.neufs, travaillent le story telling, des idées waaooohhh, grands numéros de prestidigitation avec jokers, lapins, tourterelles et caniches. Je veux, Je vais, J’y suis. Il suffira d’un sigle, un matin !

À la décharge du président, dans un monde libéral-libertaire de tout à l’égo, « l’en commun solidaire et inclusif », ce n’est pas simple. Les haruspices, succubes pré-pubères, cottereaux analphabètes, Médée furieuses, songe-creux du woke around the cloud, enragent, s’insultent, font la loi sur les rezzous sociaux, mitent tout. C’est mon droit ! Habeas Porcus ! Marianne partage un secret avec Maître Cornille. Fini les farandoles. Les sacs de blé sont remplis de plâtre. Affubler la démocratie de qualificatifs new-look – participative, humaniste – ne change rien à la maldonne. Réenchanter le XVIIIe siècle et le XIXe arrondissement n’est pas une mince affaire. Scénariser le Panthéon en Fort Boyard bienveillant sauce MasterChef.resse, les numéros de claquettes multiculturelles, réinventions permanentes, pétitions de grands principes, accélèrent le délitement de la nation.

La droite et les postulats d’Euclide

Après Jupiter, Athéna ? Valérie Pécresse, alias Ma Dalton, peut-elle l’emporter ? Screamin’ Jay Hawkins de l’insoumission, vert de rage, Jean-Luc Mélenchon met en boite sa petite camarade. Depuis cinquante ans, infatigable, il court derrière les idéologies et les suffrages, comme Rantanplan après les os.

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À droite, les valeurs et ambitions – libérales, colbertistes, nationalistes, européennes – varient au gré des calculs et postulats d’Euclide. Si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits. Le Z est un nombre complexe, géométrique, polaire, réel et imaginaire… Même pour Patrick Stefanini et Alain Minc, les additions sont compliquées. La politique poker bol (une base de protéine, trois ingrédients, deux toppings…) lasse l’électeur. Le gaullisme sans de Gaulle, c’est le civet de lièvre sans lièvre. Les parénèses, Sainte-Geneviève, Bayard et d’Artagnan, n’ont plus cours. La Princesse de Clèves, les héros et karchers sont fatigués. À l’heure où blêmit l’hypokhâgne – les yeux fixés sur leurs pensées, tristes, le dos courbé – les Français regrettent Rosemonde Gérard, la craie, l’odeur de l’encre, le grand Littré, le petit Liré, la douceur Angevine, veulent limiter le temps perdu par les enfants devant les écrans numériques, interdire les couteaux à cran d’arrêt dans les classes.

Nicolas et Pimprenelle sont sur un radeau…

Le Kon-Tiki, ou la Méduse ? Sans boussole ni capitaine, difficile d’arriver à bon port. Fini Hegel, les Kolkhozes, la mer rouge. Esther Duflo, Chantal Nobel inspirante du MIT, repense la pauvreté et les micro crédits. À la recherche de l’Atlantide, dans l’amer des sarcasmes, en pédalo sur le lac de Tibériade, la gauche se refait une conscience. Tromelin et Lampédusa sont à la mode. L’Île de Ré pour les ex-fan des trotskistes, pas très loin de l’île d’Yeu, plus tradi. Dans cent jours, ce ne sera pas Elbe, mais Sainte-Hélène. On ne change pas une équipe qui perd.

Thomas Piketty est en colère : « Emmanuel Macron porte une responsabilité écrasante dans la droitisation du paysage politique ». D’illustres prédécesseurs ont porté le chapeau de cette infamie : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jacques Chirac, François Mitterrand, Michel Rocard, Mikhaïl Gorbatchev, Danton, Gengis Khan…. La gauche se réfugie dans l’indignation et les promesses de Limbes. Comme le Zelig de Woody Allen, elle adore se déguiser : lundi en OS, mardi en Nicolas Hulot… euh, non, en Commandant Cousteau, mercredi en burkini, jeudi en Femen, vendredi en Malcom X… Alas, les symphonies du nouveau monde n’adoucissent plus les mœurs. Pour différencier le populaire du populiste, le révolté du révoltant, comme Jacques Vabre dans les publicités des années 80, des doctorants éclairés séparent sur les hauts plateaux (télés) les bons grains du café vénézuélien El Gringo, de l’ivraie réac. Les progressistes gyrodivagues perdent le peuple, l’espoir et les pédales. Le diabolus ex machina, meilleur ennemi de toujours, c’est l’extrême droite, dans la cinquième zone du neuvième cercle de l’enfer. Les pauvres ont des malheurs, les sociologues des principes.

Tout n’est pas perdu. En additionnant les intentions de votes pour Nathalie, Anne, Yannick, Jean-Luc, Philippe, Fabien, Christiane, sans oublier les voix de Jacques Duclos en 1969, de François-Vincent Raspail (et les autres) en 1848, un candidat de gauche pourrait se qualifier au second tour. Assez, des guerres fratricides et coulées d’angoisses ! Sur TikTok, le SOS (Socle Œcuménique de Sauvetage) propose un Koh-Lanta citoyen avec concours d’impro.gressistes. Casimir, Tchoupi et Christiane Taubira sont donnés finalistes. Il se murmure qu’Annie Ernaux, désespérée par les dérisoires querelles d’égos, pour fédérer les dominés, pourrait faire le don de sa personne à la France. « Être une femme n’a jamais cessé de m’intéresser ». Tout n’est pas perdu.

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J’y suis, j’y reste, La Dame de chez Maxim, Le dindon… La comédie Française, c’est du Boulevard. Tous les cinq ans, les mouches changent d’âne, déclament leurs indignations: poujadisme, islamo-gauchisme, zadisme, dégagisme et une profonde lassitude du vulgum pecus. L’abstentionnisme et l’extrémisme prospèrent sur un terreau de dénis et lâchetés trans-idéologiques. Attention, la marche sur Rome, Nosferatu le vampire, Le Docteur Mabuse, c’était il y a cent ans !

2022, anniversaires, roman national et recherche du temps perdu

L’Occident maléfique éclaire le monde de sa repentance, réécrit les « romans nationaux », l’Histoire mondiale de la France, un beau roman, une belle histoire, une romance d’aujourd’hui. Patrick Boucheron, François Héran, les Placid et Muzo de la doxa bienpensante, décoloniaux, dégenrés, agités du bancal, enfilent les clichés politiquement corrects, jouent à saute-moutons (de Panurge) entre le souhaitable et le possible, la militance, le droit et la morale, s’aiment à tout vent des « faits alternatifs ». Le passé, la littérature, les statistiques, les prénoms sont re-calibrées ad usum Delphini, retouchées comme les photos officielles des dignitaires soviétiques, au fil des purges. Pas de méchants sur l’île aux enfants. Bourdieu, mais c’est bien sûr ! Ou comment attiser les braises du fanatisme, l’obscurantisme, la déraison, dynamiter les derniers murs porteurs de notre contrat social. L’enfer est pavé de mauvaises intentions. Dans Woke en stock le Shéhérazade va sauver les naufragés. Tout est bien qui finit bien ! Que deviennent toutes les larmes qu’on ne verse pas, se demandait Jules Renard ? Heureux qui comme Alice au pays des Marvels… La glissade peut-elle s’arrêter ? En attendant l’homme en saint, l’orgasme pour tout.e.s, l’élitisme universel, la sélection inclusive, la laïcité cléricale, le « monde d’après », essayons de sauver le meilleur du « monde d’avant ».

En 2022 nous célébrerons Du Bellay (1522), Molière (1622), le centenaire de la mort de Marcel Proust. Il y a 100 ans, la France, Paris, exsangues, rayonnaient, aimantaient les artistes, l’intelligence, la culture. Le roman national en 1922 c’était Sodome et Gomorrhe, Siegfried et le Limousin, La Maison de Claudine, Le Baiser au lépreux. 1922, c’était aussi la naissance d’Antoine Blondin, Maria Casarès, Gérard Philipe, Pier Paolo Pasolini, Jack Kerouac, Vittorio Gassman, Ava Gardner, le Tractatus logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein. Last but not least, c’est le 2 février 1922, rue de l’Odéon, que Sylvia Beach et la librairie Shakespeare and Company publient dans son intégralité le chef-d’œuvre de James Joyce, Ulysses. Si l’Odyssée se termine bien pour le héros aux mille tours qui retrouve Pénélope, le délit d’Hybris n’est pas pardonné aux prétendants. Le chant 22, la Mnestérophonie, est celui de la vengeance.

« Je reviens te chercher ; J’ai l’air bête sur ce palier ; Aide-moi et viens m’embrasser ; Un taxi est en bas qui attend… ». Valérie ? Emmanuel ? Marine ? Eric ? Jean-Luc ?… Pénélope est méfiante, Marianne hésite.

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