La correspondance du Québécois Jérôme Blanchet-Gravel, qui constate et regrette la guerre aux fêtes de Noël menée par les médias de son pays…
Depuis la pandémie, le malaise québécois est remonté à la surface et l’année 2022 n’a fait qu’empirer la situation.
Au Québec, le désenchantement ambiant est pesant, mais personne ne semble vraiment le réaliser tellement l’emprise du quotidien est forte dans cette « Belle Province » où la météo en est venue à remplacer l’histoire des hommes dans les journaux.
Les médias contre Noël
Il faut se pencher sur le traitement médiatique réservé aux fêtes pour prendre la mesure de cette démission collective. Le congédiement des dernières traditions d’un peuple déjà fragile illustre l’avènement d’une société de confinement volontaire marquée par la révolution numérique, une société morne et pantouflarde qui n’a plus d’autre projet que d’attendre la fin. Mais quand même, attendre la fin en sécurité.
À l’approche des Fêtes, les grands médias ont déclaré la guerre à Noël. Cette célébration centrale dans la culture occidentale est maintenant présentée comme inutile et dangereuse, comme une tradition vétuste à encadrer sinon abolir pour des raisons relevant surtout de la santé publique.
Le 10 décembre, le populaire Journal de Montréal a lancé les hostilités en publiant un guide pour aider les Québécois à affronter un temps des Fêtes devenu une « épreuve psychologique » pour un nombre grandissant d’Occidentaux. Une abondante littérature du genre « Survivre au stress de Noël » est disponible sur le Net pour en témoigner.
Dépression collective
Parmi les dix conseils du quotidien, on retrouve celui de se placer en quarantaine préventive avant d’assister à un repas des Fêtes et celui d’ouvrir les fenêtres ou la hotte en présence d’invités. Le 20 décembre, l’Association des microbiologistes du Québec a même cru bon de publier un communiqué repris par tous les médias pour rappeler aux gens qu’ils doivent conserver leurs aliments entre 0° et 4°C pour « éviter les risques d’empoisonnement alimentaire ». Surréaliste.
Après deux Noëls annulés par les woke sanitaires en faveur du safe space global, les canaux officiels ont alimenté à nouveau un climat de peur pour tenter de dissuader ce peuple atomisé de se rassembler de manière à participer à sa survie culturelle.
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Question de ne pas interrompre ce déclin, en octobre dernier, mes compatriotes ont réélu massivement la Coalition Avenir Québec (CAQ) dirigée par le premier ministre François Legault, et ce, après deux ans de mesures sanitaires pour la plupart abusives, liberticides et antisociales. Le slogan de la CAQ pour la campagne électorale était « continuons ». La réélection du gouvernement le plus confiniste de toute l’Amérique du Nord est un coup dur pour la partie médiatiquement et politiquement marginalisée de la population préoccupée par la baisse de vitalité de ce Québec bien loin de sa liberté.
Société stérile
Pendant ce temps, le mouvement nationaliste lui-même se laisse affaiblir, sans le réaliser, par le progressisme à la mode. Ces dernières années, la plupart des leaders nationalistes ont embrassé des courants hautement dynamiques comme le sanitarisme et les versions radicales et dénatalistes de l’écologisme et du féminisme.
Pour combler le vide laissé par l’abandon du projet de souveraineté, les Québécois se tournent de plus en plus vers un écologisme de rationnement pour lequel le moindre battement d’ailes est susceptible de provoquer l’apocalypse.
Ainsi, les gens sont invités à vivre le plus « sobrement » possible pour aplatir la courbe du réchauffement climatique. À vivre le moins possible. Le Québec a donc remplacé son rêve d’autonomie par celui de devenir l’un des États les plus verts au monde, malgré son poids démographique risible par rapport à l’ensemble du continent américain.
Pour 2023, il faut espérer un sursaut pour le peuple québécois, mais force est d’admettre que le vieillissement de la population et la baisse de la natalité plombent ses chances d’éviter la noyade culturelle dans l’océan anglo-américain.
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