Au début des années 1990, alors qu’on m’avait confié des responsabilités dans un syndicat étudiant classé à droite, j’avais entrepris de faire le ménage dans notre permanence de la fac de médecine de Besançon. J’y avais alors retrouvé quelques kilos inutilisés d’exemplaires d’autocollants avec ce slogan qui m’avait bien fait rire : « C’était pas si mal avec Giscard ». L’autre jour, quand le JDD a publié un sondage sur une candidature de Nicolas Sarkozy en 2017, j’ai repensé à cette volonté de l’Ex de revenir, persuadé qu’il était le meilleur, que sa défaite était injuste, qu’elle était de la faute de Chirac, de Pasqua, du Canard Enchaîné, des chocs pétroliers, de ces cons de Français ingrats, de la faute de tout le monde, bref de tout le monde sauf de lui-même.
L’analogie avec Giscard est tentante pour deux raisons. D’abord, parce que jusqu’en mai dernier, VGE était le seul président sortant battu de la Ve République et donc le seul élément de comparaison empirique à disposition. Ensuite, Nicolas Sarkozy présente beaucoup de similitudes avec lui. Dès mai 2007, on était frappé par la ressemblance entre leurs prises de fonction, la volonté de désacraliser la fonction de l’élu de 2007 n’étant qu’un simulacre de la décrispation de 1974. Au cours de leur mandats qui ont aussi en commun d’avoir subi des crises mondiales (chocs pétroliers pour le premier, crise financière pour le second), ils avaient tous les deux pris conscience qu’il fallait re-présidentialiser leur image, en lecteurs addictifs de sondages, encore un point commun entre les deux. Et il est assez piquant de remarquer qu’ils ont finalement obtenu le même score à un dixième près au second tour de l’élection présidentielle.
Cependant, il faut observer une différence notable. En janvier 1981, Giscard était favori de l’élection présidentielle avant d’être battu en mai. Sarkozy, lui, n’a pas eu un seul sondage le donnant vainqueur dans l’année qui a précédé l’échéance. La plupart du temps, il était donné perdant avec 44 à 46 % des suffrages et ce, jusqu’au soir du premier tour soit à deux semaines de l’échéance. Finir avec le même score que Giscard en 1974 constitue donc, pour beaucoup d’observateurs, une défaite fort honorable voire pour ses partisans les plus déchaînés, comme son monsieur sondages Guillaume Peltier, une quasi-victoire. Sans aller jusqu’à cette extrémité, reconnaissons avoir été surpris par ce score supérieur à 48 % alors que nous l’imaginions plus volontiers autour des 47%. La grande dignité de sa sortie, observée aussi par l’ensemble des observateurs y compris parmi ses détracteurs habituels, a sans doute été facilitée par son score honorable alors que son aîné, n’avait pas eu la même classe, persuadé jusqu’au bout qu’il serait le vainqueur. Comme quoi, la dignité est souvent plus la conséquence des circonstances que du caractère intrinsèque des hommes.
Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait expliqué qu’il ne serait plus candidat à cette élection. Et le soir de sa défaite, il avait indiqué à ses militants qu’il interviendrait dorénavant de manière différente dans la vie politique. Il faut observer l’évolution. Il ne renonçait plus à redevenir président de la République mais seulement à diriger l’UMP. En gros, il a fait comprendre, et tous ses faits et gestes depuis peuvent se lire ainsi, qu’il y avait désormais un homme d’expérience en réserve de la République et que si les événements le réclamaient, on pourrait faire appel à lui. Giscard avait procédé autrement. Dès 1982, il s’était fait élire conseiller général du Puy de Dôme, repartant à la base. Il était ensuite redevenu député en 1986 et avait même repris la tête de l’UDF en 1988. Tous ses efforts n’avaient pourtant pas été couronnés de succès puisqu’en 1988, ce sont ces deux anciens premiers ministres Chirac et Barre qui s’affrontaient au premier tour de l’élection présidentielle (sorte de primaire de l’époque…) et en 1995, c’est même Edouard Balladur qui le supplantait comme candidat de l’UDF. Par la suite, il a finalement renoncé, l’âge aidant, à être à nouveau candidat.
Nicolas Sarkozy a, semble t-il, choisi de ne pas passer par la case « élections locales ». Sauf dissolution, il n’aura pas non plus, d’ici 2017, l’occasion de revenir à l’Assemblée Nationale. Il est sans doute tenté de participer à des colloques, de tenir des conférences, afin de peaufiner son image de sage, notamment sur les dossiers internationaux, et apparaître ainsi – en creux – comme un recours possible. C’est pourquoi il se tient bien à l’écart de la bataille Fillon-Copé pour la présidence l’UMP, dont il espère sans doute qu’elle sera d’autant plus sanglante qu’il n’y aura pas participé. Le nouveau président de l’UMP élu en novembre aura à gérer les élections locales de 2014 et c’est à cette aune qu’il sera jugé pour la première fois. Jusque-là, Nicolas Sarkozy ne peut prétendre à autre chose que son rôle actuel et il en est le premier conscient. François Fillon, Jean-François Copé mais aussi tous les autres quadragénaires (Le Maire, NKM, Pécresse, Wauquiez, Bertrand…) qui trépignent en croyant leur heure venue ont beau flatter Nicolas Sarkozy pendant la campagne interne à l’UMP, ils ne voient pas son retour avec un oeil sympathique. Seul le premier cercle à l’intérieur duquel on ne compte aucun présidentiable (Guéant, Morano, Lefebvre, Hortefeux, Estrosi, Peltier…) y pense très fort et évoque à mots couverts une candidature Sarkozy en 2017. Même si sa situation est objectivement meilleure que celle de Giscard il y a trente ans, qu’il apparaît moins comme un loser, un Ex, il ne doit quand même pas s’attendre à ce que tous ceux qui briguent 2017 lui ouvrent un chemin pavé de roses. Le président de l’UMP élu en novembre n’aura d’autre objectif que d’être en bonne position pour être le candidat en 2017. Si ce dernier remporte les élections locales en 2014, la primaire de 2016 pourrait devenir une formalité à tel point que Nicolas Sarkozy ne songerait même pas à s’y présenter.
La fenêtre de tir de Sarkozy réside donc dans une crise de la droite à la faveur des élections locales de 2014. Si elles donnaient lieu, avec un FN au meilleur de sa forme, à des alliances locales, le nouveau président de l’UMP, que ce soit Fillon ou Copé, aurait à trancher. Tolérer ou exclure ? Dans les deux cas, l’UMP pourrait exploser. La droite pourrait alors à nouveau voir en Sarkozy un sauveur, comme fédérateur des droites qu’il fut. Cette hypothèse, la seule favorable à sa candidature en 2017, est loin d’être improbable. Les élections locales mobilisent les électeurs à hauteur de 60 %. Or, on a observé depuis dix ans que de tels taux n’étaient pas favorables à la droite au pouvoir. N’étaient-ils pas favorables à la droite ou à la majorité gouvernementale ? Si on écoute Zemmour, par exemple, c’était davantage la droite que la majorité. Le chroniqueur de RTL a pour lui un argument de poids : une présidentielle à plus de 80% de participation a donné des résultats bien plus équilibrés. Dans cette hypothèse-là, la droite ne peut pas gagner les élections locales sans procéder à des alliances, ce qui provoquerait une sacrée crise de l’UMP et pourrait offrir une fenêtre de tir à l’ancien président.
Dans le cas contraire, Nicolas Sarkozy devra trouver d’autres occupations comme, par exemple, rédiger des mauvais romans de gare ou des constitutions européennes de la même qualité.
*Photo : Les Fakes de BJ
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