Aventurez-vous donc, pour voir, à la souhaiter bonne, cette année 2012 ! Franchement. Y’a pas de quoi rire. On va se faire dégrader la note. La SNCF augmente ses tarifs. Les taxis conservent leur signalisation imbitable. On entre en récession. Nicolas Sarkozy va être réélu. Ou François Hollande élu. Il faut être sérieusement barré pour s’aventurer benoîtement à la souhaiter belle et heureuse, la nouvelle année ! Ou alors on le fera à voix douce, dans la sobriété qui sied à ceux qui sont marqués par l’épreuve, ma bonne dame. De fait, nos guillerets compatriotes décrochent la palme du pessimisme, contrairement aux Irakiens et les Nigérians qui, certes, ne peuvent qu’espérer mieux.
Alors, une fois remis de vos agapes, lisez l’incontournable opuscule ci-contre. Rangez d’abord vos idées sur l’optimiste version Candide (celui de Voltaire). Optimiste ne signifie ni béat, ni benêt. Pour dépeindre l’optimiste, Philippe Gabilliet cite notamment le psychiatre Christophe André, pour lequel être optimiste conduit toujours « à supposer, face à l’incertain, qu’il existe une issue favorable, et se donner le droit d’agir pour la favoriser ». L’optimiste, écrit-il, fait quatre paris : sur la force de la volonté, sur l’existence d’une solution, sur la ressource positive, et sur l’action opportune. L’optimisme, c’est « être conscient des limites, des carences, des faiblesses du monde, mais refuser catégoriquement de s’arrêter dessus », c’est « croire qu’on a toujours une marge de manoeuvre positive, qu’on a toujours le choix ».
Et Philippe Gabilliet de noter que l’évolution du monde est le fait des optimistes. « L’anticipation positive est à la base de la dynamique de l’évolution et de toute civilisation. Planter au printemps pour récolter à l’automne est un signe culturel d’optimisme, tout comme attaquer un mammouth au javelot, entreprendre la construction d’une cathédrale en sachant qu’elle ne sera peut-être terminée qu’un siècle plus tard ou s’accorder – tel Kennedy – moins de dix pour envoyer un homme marcher sur la Lune ».
Comme René Rémond, « je suis prêt de penser que le nombre de la réalité n’est pas le duel mais le pluriel ». J’en suis même convaincu. Philippe Gabilliet a l’avantage de cerner la réalité d’un trait de caractère, ou d’une disposition d’esprit, sans considérer l’optimisme sous une forme absolue.
Il y a ainsi – c’est ce qu’évoque un psychologue américain, Christophe Peterson – un grand et un petit optimisme. Le grand optimisme est ancré dans la personnalité profonde d’un individu, tandis que tout un chacun est susceptible de faire preuve d’un petit optimisme face à un évènement spécifique. Il faut donc distinguer deux types d’optimisme, et la façon de les mettre en relation : l’optimisme de but et l’optimisme de chemin. On reproche en effet souvent aux optimistes de refuser de voir les obstacles. Les pessimistes, qui se prévaudront de la lucidité, déclareront que les optimistes « foncent dans le mur en klaxonnant ». C’est le cas de ceux qui cumuleraient optimisme de but (on va y arriver) et optimisme de chemin (et en plus ça va être du gâteau). Mais songez à ce que donne l’addition d’un pessimisme de but (on n’y arrivera pas) et d’un pessimisme de chemin (et en plus on va morfler). Bref, l’attitude adaptée est celle du « pessimisme défensif » ou « optimisme paradoxal » (ou encore « optimisme pragmatique » voire « optimisme flexible ») : on anticipe les difficultés, mais on garde foi dans le but.
Philippe Gabilliet décline aussi les avantages et les inconvénients respectifs de l’optimisme et du pessimisme. En quatre chapitres, il démontre pourquoi les optimistes sont en meilleure santé, ont beaucoup d’amis, ont plus de chance que les autres et sont aimés des entreprises. Pas moins.
En passant, songez-y, « On critique les optimistes mais on recherche leur compagnie. On écoute attentivement les analyses tellement pertinentes des pessimistes, mais c’est l’optimiste que l’on invite en priorité pour un dîner entre amis, ou pour un tête-à-tête romantique »
Et, citant le philosophe Alain, l’auteur souligne que le grand pouvoir de l’optimiste, c’est « qu’il nous fait penser au printemps ».
En somme, le pessimiste ne se désignera pas comme tel (mais j’ai des noms). Il aime à se dépeindre en réaliste bien qu’il soit en fait un inhibiteur d’action.
L’optimiste, lui, façonne son monde. S’il a plus de chance que les autres, c’est parce qu’il est en mesure de percevoir, dans un événement nouveau, une opportunité susceptible de lui être favorable. Et parce qu’en cas d’échec, il ne développera pas la tendance du pessimiste à universaliser cet échec mais, au contraire, à en relativiser la portée pour recommencer.
Éloge de l’optimisme fourmille d’analyses des attitudes que nous connaissons tous. Ainsi de la façon de répondre à cette question : « qu’est-ce qu’une bonne décision ? ». « Pour certains, une bonne décision est avant tout une décision qui a été soigneusement préparée. Ce qui fait la qualité d’une telle décision est donc déterminée par ce que l’on fait AVANT de la prendre (…). Pour l’optimiste, la question se pose en fait en des termes tout à fait différents. Il veut lui aussi prendre la meilleure décision possible. Il est conscient (tout comme le pessimiste) qu’il existe sûrement de bonnes raisons de ne pas se lancer. Mais il va pourtant décider de le faire. Pourquoi ? Parce que pour l’optimiste, la qualité d’une décision ne se construit jamais a priori. En effet, dans la « vrai vie », nous n’avons presque jamais le temps nécessaire pour laisser mûrir une décision. Des informations essentielles nous manqueront toujours; et nous vivons dans un monde mouvant qui continue de bouger pendant que nous pensons à notre décision. Ainsi, pour l’optimiste, la « bonne décision » sera la décision qu’il va prendre (quelle qu’elle soit et qu’il fera tout, ensuite, pour rendre vraiment « bonne »). Car pour un optimiste, ce qui détermine la qualité d’une décision qu’il prend, c’est toujours ce qu’il va faire APRES l’avoir prise ! »
Ajoutez à cela que si l’optimiste façonne le monde à son bénéfice, il modèle également son entourage. Enclin à s’appuyer sur ses points forts (la force de la volonté et la ressource positive), il est naturellement disposé à les mettre en valeur chez les autres. Comme l’écrit l’auteur,« être optimiste, c’est croire en l’Autre. Être optimiste, c’est croire en celui que l’on croise. C’est croire en sa compétence, en ses possibilités, en son amitié, en son amour. Certes, il arrive que l’optimisme se trompe sur cette compétence, sur ces possibilités, sur cette amitié ou sur cet amour. Mais cela ne veut pas dire qu’il a eu tort d’y croire. Car refuser d’y croire, jouer d’entrée la carte du scepticisme et du pessimisme, aurait été beaucoup plus désespérant. La plupart des optimistes préfèrent vivre pleinement et se tromper totalement que de ne jamais faire d’erreur pour n’avoir que rarement parié ! ».
Revenons à nos voeux : ce que Philippe Gabilliet développe dans on dernier chapitre, pour une société de l’optimisme, peut parfaitement s’appliquer à l’actualité économique et électorale de cette nouvelle année. Jugez-en : « Diriger en optimiste, sans doute est-ce avant tout cela : 1) Savoir regarder toute réalité, même la plus difficile, avec lucidité, mais en insistant toujours sur ce qui peut être entrepris, construit, tenté, espéré; 2) Savoir en toutes circonstances s’appuyer et capitaliser sur les forces et l’énergie vitale de ceux que l’on dirige; 3) Orienter ces forces et cette énergie vitale vers des projets enthousiasmants qui donnent à la collectivité la fierté de l’appartenance et le sentiment positif de grandir, même dans la difficulté. »
Puissent nos chers leaders s’en inspirer. Pour ma part, laissez-moi vous présenter tous mes voeux pour 2012. Des voeux résolument optimistes pour chacun de nous. « Le monde appartient aux optimistes. Les pessimistes ne sont que des spectateurs » (François Bizot). Et toc !
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