Quand il s’agit d’illustrer un sondage qui nous apprend que 78% des Français sont inquiets au sujet de la laïcité, le journal 20 Minutes ne veut surtout pas être taxé d’islamophobie. Alors il utilise une photo… de chrétiens grisonnants.
Le rituel est immuable. Alors que le sang d’infidèles commençait à peine à sécher sur le lino de la préfecture de police de Paris, vint le temps du défilé des ministres à la sémantique bisounours. Massivement déversée aux micros des chaînes d’info, la parole du déni…
On évoque d’abord un salarié a priori sans histoire (s’il ne serrait plus la main aux femmes, c’était peut-être par peur d’attraper la gastro, après tout ?). Puis, on fait mine de s’étonner quand on découvre un personnage sombre, qui a toutes les caractéristiques du parfait fanatique d’Allah qu’avaient prédit les réseaux sociaux.
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La synthèse politique était déjà toute prête. Après avoir reconnu comme d’habitude un dysfonctionnement quelconque, l’exécutif veut éviter tout risque d’amalgame. Le message est retranscrit à la lettre par les journaux qui ne tardent pas à s’inquiéter de l’islamophobie grandissante. Une manifestation sera organisée.
Sondez-moi, j’adore Omar Sy !
Par ailleurs, dans le folklore de la tragédie terroriste, la presse est avide d’un outil qui fait toujours vendre: le sondage. Pour tous ceux qui doutent de la représentation nationale ou médiatique, il se veut objectif en nous livrant ses analyses cliniques. Il permet de mettre en lumière l’opinion réelle du pays. De par sa pureté incontestable, le sondage est létal dans toute argumentation.
20 Minutes, journal dont l’ambition légitime est d’informer ses lecteurs, a décidé d’en faire usage pour aborder la question de la laïcité. Mais garde à la déontologie douteuse de certains journalistes…
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D’abord, concernant le sondage, qu’est-ce qui a poussé les fameux sondeurs à questionner des gens sur le port de la croix ou de la kippa, si ce n’est la peur d’être taxés d’islamophobes, et donc par extension de racistes ? Pourquoi les juifs et les chrétiens devraient-ils obligatoirement se trouver mêlés à un sondage concernant la laïcité, quand on sait que c’est surtout le voile qui tracasse tant nombre de citoyens? La mauvaise foi, sans jeu de mots, guide la plume des journalistes écrivant leurs articles et des sondeurs préparant leurs questions. On globalise un problème qui incombe surtout aux musulmans de France.
Une rédaction pusillanime
Avec son choix d’illustration, 20 Minutes pousse loin le vice. Même si du sang a tout dernièrement été versé à Bayonne suite à un attentat perpétré par un papy bien de chez nous qui entendait « venger la destruction de Notre-Dame de Paris », après les événements sanglants de ces dernières années, mettre en avant ces chrétiens pour illustrer les prières de rue ne coulait pas de source.
Heureusement, l’émoi de certains de nos concitoyens a permis d’alerter la rédaction et de les enjoindre à rectifier l’imposture ; elle s’est exécutée en remplaçant la photo par un poster de la charte de la laïcité à l’école. Elle n’allait évidemment pas orner l’article d’un visage voilé ou d’une prise de vue de la rue Myrha en plein vendredi après-midi, mais c’est déjà un grand pas que de passer du mensonge à l’hypocrisie.
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La liste des lâches grandit aussi vite que celle qui recense les pupilles de la Nation. Attention à ce qu’au sang des victimes ne vienne pas se mêler l’encre complice. Les faussaires médiatiques ont une part de responsabilité immense ; face à l’enjeu, même le silence est coupable. Le déni, la dissimulation ou la tromperie intellectuelle ne sont que des grades différents sur l’échelle de la trahison évoquée par Aurélien Marq dans son récent article.
Alors, je ne vais pas crier à la christianophobie. Je constate simplement que la plus grande peur de 20 Minutes semble d’être confondu avec un autre journal classé à l’extrême droite dont la sonorité du titre est voisine: Minute.
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