La thèse dominante qui prétend que de Gaulle a vendu aux Français un grand mythe de la Résistance est elle-même un mythe. Le nouveau livre de François Azouvi montre comment, au supposé « résistancialisme », s’est substitué, pour des raisons politiques, un « pénitentialisme » autodestructeur.
« Français, on ne vous a rien caché » : le titre, ironique jusqu’à la provocation, de François Azouvi renvoie à un fait paradoxal. Nous nous croyons sainement désabusés, libérés d’une vulgate « résistancialiste » qui aurait longtemps régné. Il n’en est rien en fait : depuis les polémiques immédiates sur l’épuration jusqu’à la France coupable (Chirac et successeurs) d’abandon général des juifs, l’idée d’une France unie dans la Résistance n’a jamais dominé dans l’opinion. La question de la fausse conscience se déplace donc : comment la vulgate auto-accusatrice actuelle s’est-elle formée et imposée ?
La thèse affirmant que le « résistancialisme » a régné sans partage s’appuie d’abord sur le souvenir des jours de gloire où de Gaulle a parlé à l’Hôtel de Ville de « Paris libéré par lui-même », puis descendu les Champs-Élysées au milieu du peuple invoqué et convoqué la veille. Ces journées sont supposées être celles où a pris corps le mensonge qu’on dénonce sans cesse. En effet, si les insurgés parisiens n’ont pas connu le sort de ceux de Varsovie au même moment, c’est aux chars de Leclerc et Patton qu’ils le doivent. Reste que l’heureuse issue n’était pas assurée d’avance, qu’il a fallu prendre un risque, que « Paris debout pour se libérer » est une vérité partielle, à la fois conjoncturelle, symbolique, que le grand metteur en scène n’a jamais présentée comme disant toute la vérité de la période.
Si la Résistance n’a pas été le point de départ d’un élan inspirant la période, elle est longtemps restée présente et même obsédante dans la mémoire politique
Le problème n’est pas que cette mémoire porteuse de valeurs soit mensongère, c’est qu’elle s’insère mal dans le tissu des événements, qu’elle est restée la butte-témoin d’une histoire qui n’a pas eu lieu, ce qui l’isole et la rend
