Il en a de la chance, François Hollande ! Alors que la statue monumentale de la République qui se dresse à Paris sur la place du même nom reste désespérément muette, il a entendu une voix qui lui a glissé à l’oreille, au petit matin du 18 octobre, jour de la saint Luc, les propos suivants : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. »
Voilà qui est dit, et bien dit : madame la République prend acte que les multiples travaux d’historiens sur cet événement qui ont établi un corpus de faits incontestables, mais elle se refuse à battre sa coulpe comme l’exigent aujourd’hui les chevaliers de la repentance. Cette « répression sanglante » s’inscrivait en effet dans un contexte d’affrontement sans merci entre la fédération de France du FLN et la police, qui venait de perdre dix de ses agents assassinés dans les semaines précédentes.
Le « crime d’Etat », dénoncé sans nuance à la une par Libération, peut ainsi se plaider au tribunal de l’Histoire, où chacun des protagonistes a de sérieux arguments à faire valoir. Et ce tribunal ne siège pas, à ma connaissance, au 10 rue Béranger, siège du quotidien fondé par Serge July.
Dans ce genre de questions, l’Etat, la Nation ou la République, comme on voudra, n’ont qu’un seul devoir : faire en sorte que le travail des historiens puisse s’effectuer dans les meilleures conditions possibles, notamment avec l’ouverture des archives dans un délai raisonnable.
Dans le cas du 17 octobre 1961, aucune censure n’a pesé sur leurs recherches, qui ont connu une très large diffusion publique. Il n’appartient pas à un locataire de l’Elysée de porter jugement, au nom de la République qu’il incarne provisoirement, sur le caractère criminel de l’action de l’un de ses prédécesseurs. Il lui suffit de garantir le droit au blasphème des icônes de notre histoire récente.
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