Céline Pina a pensé à tout : elle nous propose, en cette veille de week-end, l’argumentaire idéal à dérouler devant votre beau-frère mélenchoniste lors du repas familial de dimanche…
L’interdiction du port de l’abaya à l’école divise à gauche, comme en son temps la question de l’interdiction du port du voile. Mais pas chez LFI, où l’on milite le petit doigt sur la couture du pantalon et où les convictions sont indexées sur l’humeur du petit père des Insoumis. Des Insoumis qui se révèlent fort serviles en interne. Il faut dire que LFI a besoin, pour dominer à gauche, de continuer à investir sur le vote musulman. Les études, montrant que presque 70% de cette communauté ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle, ont impressionné à gauche. Le vote musulman est donc devenu une martingale dans cette partie de l’échiquier politique pour peser dans le débat public. Or les dirigeants des partis de gauche n’ignorent pas qu’une partie notable de ces voix est due à la mobilisation des réseaux islamistes, notamment frères musulmans. Cette mobilisation s’est faite par le biais d’appels à voter diffusés via les mosquées et a été relayée par les personnalités de la sphère islamiste. A gauche, certains sont donc tiraillés entre intérêt électoral et conscience humaniste et universaliste (PS et PC), mais la plupart font passer leurs intérêts personnels immédiats avant l’intérêt général. A LFI, notamment, on n’a aucun mal à reprendre et à diffuser les arguments des islamistes. Et surprise ! ce sont les mêmes que pour le voile. Il faut dire que l’offensive sur les abayas se déroule selon le même schéma.
- 1er argument : ce n’est pas un vêtement religieux
L’islam n’est pas organisé en clergé, à ce titre il n’y a pas de tenue type et même les voiles sont différents selon les pays ou la pratique, mais c’est toujours au nom de la religion que la femme doit cacher ses cheveux et son corps. Elle doit être dérobée à la vue, car elle est considérée comme impure, provocante, source de désordre et parce qu’elle ne s’appartient pas mais appartient avant tout à sa communauté. Voile comme abaya sont liés à une vision précise de la femme, de son statut et de son rôle. Ces signes d’appartenance religieuse témoignent de l’infériorité de la femme et de son impureté et cette vision est liée à la place de la femme dans la religion, l’islam étant à la fois religion et source du droit.
Notons qu’aux Emirats Arabes Unis, on prête une abaya à chaque femme qui veut visiter la mosquée d’Abu Dhabi pour que sa tenue soit « en accord avec la religion islamique ».
- 2ème argument : ce n’est pas un vêtement religieux (bis)
Voile comme abaya ne sont pas des vêtements. Ce sont des signes, des marqueurs identitaires basés sur la religion. Peu importe les raisons qu’a une femme de les porter, ces tenues envoient un message univoque vers l’extérieur : le refus de l’égalité à travers l’infériorisation de la femme au nom de la religion.
- 3ème argument : cela prouve que la France a un problème avec les musulmans, qu’elle n’accepte pas l’identité musulmane
C’est quoi l’identité musulmane ? Est-ce-que cela signifie respecter la culture et les mœurs des pays où l’islam est religion d’État ? Autrement dit, accepter que les femmes n’aient pas les mêmes droits que les hommes, créer des statuts de dhimmi (le dhimmi paye une taxe pour avoir le droit de vivre en terre d’islam, car il n’est pas musulman et a moins de droits que les musulmans), rétablir l’interdiction du blasphème, réprimer l’homosexualité, faire de l’antisémitisme un marqueur culturel ?
Bref qu’entend-on par « identité musulmane » ? Le mot est utilisé par les islamistes pour faire croire à une persécution des musulmans quand ils attaquent de front les fondamentaux de notre contrat social. Or quel pays accepterait de tels coups de boutoir portés sur les fondamentaux de son contrat social et les bases de sa civilisation ?
Quant à la France, elle n’a pas de problème avec les musulmans, mais elle en a avec les islamistes. Il se trouve juste que ceux-ci sont de plus en plus influents dans la communauté musulmane. Depuis 2012, cette idéologie a coûté la vie à de nombreuses personnes, à coups attentats, de crimes politiques, le tout aux cris d’Allah Akbar, mais les Français ont toujours distingué les musulmans des islamistes. Cette idéologie nourrit la violence, le pillage et pèse sur l’école, l’université, crée des conflits dans le travail, au sein de l’espace public… Et c’est nous qui aurions un problème ?
- 4ème argument : « Les accusations de séparatisme sont délirantes »
Ces tenues visent à distinguer la musulmane du reste des femmes. Ils marquent une identité religieuse qui se traduit en impossibilité d’intégration et d’assimilation. Pourquoi vouloir que l’on sache qu’une femme est musulmane au premier coup d’œil? Pour que la clôture communautaire devienne infranchissable. Les interdits alimentaires et vestimentaires visent à empêcher l’alliance hors de la communauté d’origine. Ils visent à créer une séparation, des distinctions qui empêchent de partager la même nourriture, de se marier, de faire société et cantonnent chacun dans une identité particulière plus forte que la communauté nationale. Elles exacerbent les différences et subliment les origines pour empêcher la naissance du commun.
Pour cela on remplace la distinction entre le bien et le mal, par celle entre le pur et l’impur. Or la distinction entre le bien et le mal est une démarche universelle, liée au libre arbitre et qui met en jeu la responsabilité. En revanche la distinction entre pur et impur dépend du suivi précis de prescriptions extérieures religieuses, elle réclame la soumission et l’abandon d’une pensée en propre. C’est une rupture anthropologique qui empêche l’accès à la notion de citoyenneté et le fait de penser la notion d’intérêt général.
C’est en cela que voile et abaya sont incompatibles avec la laïcité car ils font passer le dogme avant la loi, l’appartenance cultuelle avant la communauté nationale et sont un des marqueurs du refus d’accorder aux êtres humains la même dignité.
- 5ème argument : cette interdiction est un dévoiement de la laïcité
Ceux qui expliquent cela définissent la laïcité comme la société protectrice des religions, devant veiller à leur expression et à leur égalité. Ils présentent l’obligation de neutralité comme l’obligation de laisser les religions intervenir comme elles le souhaitent sur le territoire et l’obligation d’accepter toutes les cultures.
Or la neutralité des agents du service public vient du fait que les religions ne sont pas reconnues comme jouant un rôle dans la sphère publique, elles n’ont donc pas à être prises en compte, ce sont des opinions personnelles. Les invoquer ne permet pas d’échapper à ses obligations légales.
Quand l’idéologie islamiste constitue la base de groupes organisés, qui remettent en cause nos fondamentaux politiques, au premier chef l’égalité, ou servent de justification au refus de respecter la loi, alors il n’est plus question de neutralité mais d’imposer la loi. Et nous en sommes bien là.
Il faut dire que la laïcité à la française n’est pas toujours bien comprise. Elle se nourrit du constat que les religions sont incapables d’accomplir la concorde civile (les Français l’ont compris lors des guerres de religion) et d’une certaine idée de l’homme émancipé, capable de forger ses propres lois. La base de la laïcité est de rompre avec la légitimation du pouvoir et des obligations sociales par l’instrumentalisation du divin. Les hommes, au sein de l’État, ne sont pas liés entre eux par la religion mais par l’exercice de la raison et leurs capacités créatrices. Ils bâtissent ainsi un mode de représentations et d’obligations communes qui une fois créées les dépassent et les obligent. Cette loi commune s’impose à tous dans la sphère publique, elle n’est donc pas neutre. Elle implique que personne ne peut revendiquer des aménagements particuliers au nom de sa culture d’origine, de sa foi, de ses traditions. Elle implique d’en rabattre sur ses particularismes au nom du commun. Un pays où chacun voudrait avoir soi pour loi serait invivable. La laïcité ce n’est pas la neutralité envers la religion mais bien la domination de la loi sur la religion dans la sphère publique et la relégation du religieux à la sphère privée et à l’individu.
- 6ème argument : la France est un pays de liberté, elle doit défendre la liberté religieuse
En France les religions ne sont pas reconnues, ce sont les cultes qui sont mentionnés. Quoi qu’il en soit, personne ne peut s’appuyer sur son culte pour déroger à la loi commune. Or c’est exactement ce que réclament les tenants de l’affichage des codes sociaux islamiques : que leurs ressortissants échappent aux obligations de discrétion et de respect de la loi au sein des établissements scolaires. Ils réclament de déroger à la loi au nom de la liberté de faire prévaloir leur culte sur leurs obligations citoyennes.
Ils brandissent ainsi la liberté contre l’égalité et la laïcité. Or, les conflits de valeurs sont inhérents aux sociétés humaines. Ce qui explique qu’aucune valeur ne soit absolue. La liberté connait des limites et les libertés ne sont pas toutes égales. Nous plaçons en occident la liberté de conscience au-dessus de la liberté religieuse, la loi au-dessus du dogme. C’est l’essence de notre civilisation et la source de notre organisation sociale. Comme il existe une hiérarchie des normes, il existe une hiérarchie des lois et la façon dont nous tranchons ces conflits de valeurs est révélatrice de notre culture.
- 7ème argument « Les femmes ont le droit de s’habiller comme elles le veulent »
En général, il y a des codes sociaux, des obligations et des nécessités qui font que personne ne s’habille tout le temps comme il lui sied. On ne va pas en string à paillettes à un enterrement, ni en robe de soirée pour couler du béton sur un chantier, encore moins à un entretien d’embauche en claquettes-chaussettes. A l’école, réclamer une tenue adaptée n’est pas délirant. Cela fait partie des codes sociaux à transmettre et à acquérir.
Le voile comme l’abaya ne sont pas des vêtements mais des symboles. Ils sont utilisés par les islamistes pour faire peser un contrôle social fort sur les femmes, dans les quartiers notamment. Ils sont les marqueurs de l’imprégnation islamiste dans un territoire. D’ailleurs essayez donc de porter le voile trois jours pour l’enlever le lendemain, le remettre deux jours après, l’enlever ensuite… Vous verrez tout de suite la différence entre un marqueur politico-religieux et un accessoire de mode ! Un vêtement n’envoie aucun message, un signe identitaire ou religieux, si.
- 8ème argument : « mon corps, mon choix »
Cet argument est particulièrement choquant car il reprend un slogan féministe en faveur du droit à l’avortement pour en faire un manifeste islamiste en faveur de signes sexistes.
Or faire du port du voile ou de l’abaya une liberté, est une forfaiture. On n’est pas libre quand on est conditionnée depuis toute petite à voir en la femme voilée, la femme respectable. Pour qu’un choix soit libre, il faut qu’il y ait équivalence morale entre les deux options. Si je dois choisir entre études de littérature ou études scientifiques, aucun choix n’est marqué moralement. En revanche, il n’y a pas véritablement choix quand une option est valorisante et l’autre infamante. Si se voiler ou porter l’abaya, c’est être vu par sa communauté comme une bonne musulmane, une femme respectable et une femme qui ne trahit pas ses origines et que ne pas être voilée ou complétement couverte, c’est se comporter comme une pute, faire « sa Française » en reniant ses racines et insulter sa religion, alors on voit bien que le choix n’est pas réel ; et que ce que l’on appelle ici liberté est un consentement à sa propre oppression.
- 9ème argument : « C’est la police du vêtement »
Il existe une police du vêtement, mais c’est justement dans l’Etat islamique, dans les pays du golfe ou en Iran par exemple qu’on peut la rencontrer. Et justement, elle est chargée de veiller à faire respecter la conformité des tenues au dogme islamique.
En revanche, en Occident aucun policier ne se balade dans les rues avec un mètre de couture et des ciseaux pour raccourcir les jupes et accentuer les décolletés des filles pas assez provocantes. Aucun n’arrête les femmes dans la rue pour les obliger à troquer leurs baskets pour des talons de 12 cm. Là où l’islamisme règne, on peut mourir pour une tenue islamique mal portée, être défiguré par un jet d’acide, être réellement violenté…
- 10ème argument : le voile et l’abaya ne sont pas plus oppressants pour les femmes que les talons aiguilles et les mini jupes, c’est le même patriarcat à la manœuvre
Ah ! le patriarcat, c’est devenu le nouveau Grand Satan. Sauf que là on atteint des sommets dans le foutage de gueule. Au nom des inégalités qui existent encore (notamment en matière salariale), on nous explique que la situation des femmes est équivalente en occident et dans un pays musulman. Or c’est faux. La condition des femmes n’est pas la même là où l’égalité en droit est la base de la société et là où la femme est infériorisée ou réduite à l’état d’éternelle mineure. Et cela se voit.
- 11ème argument : « Il y a des choses plus importantes », « c’est une diversion pour ne pas parler des vrais problèmes »
Si la restauration de l’autorité est un des problèmes de l’école, demander le respect de la laïcité est une bonne base pour restaurer la qualité du système scolaire.
Mais surtout on est ici au cœur du problème. La tentative d’instaurer le port de l’abaya à l’école n’est pas une initiative individuelle d’élèves un peu exaltés. Elle est liée à une offensive idéologique dont on observe les ravages sur les enseignements et qui font peser des menaces sur les professeurs. L’assassinat de Samuel Paty est parti d’une fatwa lancée contre lui sur un réseau islamiste et qui a trouvé un exécutant.
Autre point : l’aspect concerté et politique de la provocation liée aux abayas raconte quelque chose du travail de radicalisation réalisé sur une population ciblée et identifiée. C’est pour contester l’école et marquer le rejet de la France et de ses lois que ces tenues fleurissent. Cette logique alimente une grande partie des tensions à l’école : le refus de certains enseignements en histoire ou en sciences, les revendications du hallal à la cantine pour imposer les interdits alimentaires communautaristes par exemple… L’objectif est ici clairement séparatiste, à l’heure où justement les enfants sont censés faire l’apprentissage de la socialisation et apprendre et comprendre les fondamentaux de leur civilisation.
- 12ème argument : cela va empêcher l’intégration des jeunes filles musulmanes
L’argument est amusant s’agissant d’une tenue liée à un travail de radicalisation politique bâti sur le refus d’accepter justement l’intégration, au nom de la religion ! Refus qui se traduit par des revendications sexistes, par la contestation de notre égalité, le refus de nos libertés, la tentative de toujours opposer le dogme contre la loi.
- 13ème argument : les jeunes filles musulmanes vont se sentir rejetées et cela va affecter leur réussite
L’interdiction du voile à l’école est corrélée avec une « amélioration spectaculaire, massive et durable » des performances des filles musulmanes à partir de 1994, date de la circulaire Bayrou. Rien de tel ne s’observe pour le groupe non musulman, ni sur le groupe des garçons musulmans. C’est ce que révèle une étude d’Eric Maurin, 3 leçons sur l’école républicaine, au Seuil. Le fait d’être libérées d’un conflit de loyauté a permis aux filles musulmanes de trouver toute leur place à l’école, et de s’y épanouir.
- 14ème argument : Cette interdiction va nourrir l’extrémisme de droite
Toute opposition à l’offensive islamiste serait donc d’extrême-droite ? Beau cadeau que la gauche fait à cette mouvance qu’elle dit détester mais dont elle est en train de devenir le meilleur agent électoral.
En fait, c’est tout l’inverse. Une étude a par exemple démontré que quand la justice est vue comme efficace, les partisans de la peine de mort baissent drastiquement. Dans le cas de l’offensive islamiste, c’est la même chose. Quand les politiques font leur travail et protègent la société – ici c’est en interdisant l’imposition de signes sexistes à l’école – les électeurs ont moins tendance à exprimer un vote protestataire et à voter pour les extrêmes.
- 15ème argument : L’interdiction de l’abaya serait, selon Clémentine Autain, « symptomatique du rejet des musulmans »
Donc s’opposer à un signe sexiste et misogyne reviendrait à rejeter tous les musulmans ? Mais, en même temps, l’abaya ne serait pas un vêtement religieux ? On s’y perd… Est-ce à dire qu’une partie de la gauche soutient l’infériorisation de la femme et sa représentation comme impure contre la logique d’émancipation qu’elle est censée porter ? La gauche serait-elle plus réactionnaire que l’extrême-droite qu’elle ne cesse de dénoncer ?
Une partie de la gauche perd son honneur en choisissant de se faire les « idiots utiles » des islamistes. Mais pour l’instant cela rapporte électoralement à la LFI, alors tant pis pour l’émancipation, pour l’égalité des femmes, pour les droits des homosexuels. Pour cette gauche-là, on l’a bien compris, l’intérêt électoral passe avant l’intérêt général.