Je me promène gare Saint-Lazare et je tombe sur une opération de street marketing de Netflix. Comme c’est gratuit, je m’arrête ! On me tend un curieux objet promo : une boite de sparadraps. « C’est parce que dans la saison 2, Clay a sans arrêt des bobos », m’explique la sympathique camelote de Netflix qui fait la retape pour sa série, 13 Reasons Why, en me tendant la boîte et un poster. J’avais déjà vu et apprécié la première saison. Rentré chez moi, je lance la saison 2.
Marketing morbide
Sans dévoiler l’intrigue, on suit des lycéens dont l’ancienne camarade, Hannah, s’est suicidée après avoir enregistré 13 cassettes. Dans les 13 enregistrements, les ados sont un à un accusés d’avoir conduit la malheureuse à commettre l’irréparable.
L’intrigue est efficace. Hollywood sait rendre chaque personnage intéressant. Je ne décroche pas de mon écran.
Chaque épisode de cette saison 2 commence ou se termine par l’avertissement suivant : « Si vous avez besoin d’aide, visualisez le site 13reasonswhy.info ». Prévention bienvenue?
Je suis sûrement un odieux complotiste, mais cette intense campagne de « sensibilisation » relève autant du souci de responsabilité de Netflix vis-à-vis de la jeunesse que du marketing morbide. Sur sa plateforme, le programme est déconseillé aux moins de 16 ans. A Saint-Lazare, les goodies étaient bizarrement pour tout le monde…
#Metoo fourre son nez partout
Quand on a 16 ans, la mort peut avoir quelque chose de fascinant. A mon humble avis, le romanesque autour du suicide de 13 Reasons Why ne va pas mettre nos ados en mode « lemmings » pour autant ! Les rebondissements de l’intrigue sont palpitants, mais ce n’est pas réussi à ce point.
Malheureusement, une forme de politiquement correct a envahi la saison 2 qui a été tournée pendant la déferlante #Metoo. Dans l’épisode 13, on découvre que la mère de Clay a subi un harcèlement sexuel qui ressemble étonnamment aux méthodes supposées de Harvey Weinstein.
Les héros sont emblématiques d’une génération Z qui se lève chaque matin en se demandant ce qu’elle va pouvoir réclamer. Plutôt que de se demander ce qu’elle pourrait apporter à la société… Rokhaya Diallo réclame bien des sparadraps adaptés à sa carnation (ceux disponibles sur le marché étant, ô scandale, « racisés » de la mauvaise couleur)…
Les utilisateurs de Biactol de la série sont de vrais petits chouineurs. Pour eux, l’existence se résume à l’avertissement du lapin rose dans le métro : « Ne mets pas tes mains dans la vie, tu risques de te faire pincer très fort ! ». Le confort matériel de ces jeunes Américains qui puent le fric est tel qu’ils peinent à trouver des motifs d’insatisfaction.
Plaidoyer contre le harcèlement scolaire et les armes à feu, la série est parfois dérangeante. Brimades et mesquineries entre ados sont le quotidien du lycée Liberty. Les remarques déplacées ou salaces des garçons du lycée semblent le summum de la violence. Terriblement coincée, la jeune Hannah – qui symbolise l’innocence face à cette barbarie de jeunes machistes – est incapable de se défendre. Personne ne songera jamais à lui dire qu’elle peut répondre aux provocations, par les mots ou un coup entre les jambes. C’est aussi ça, l’émancipation.
La société doit payer
Le procès intenté par les parents contre Liberty s’ouvre avec la saison 2. L’équipe éducative est accusée de n’avoir pu prévenir le drame. Si elle n’a pas non plus vu venir le suicide de sa fille, la mère revancharde veut faire payer la « communauté ». Après les avoir bien enquiquinés avec ses cassettes dans la saison 1, Hannah revient hanter notre bande d’ados sous forme de fantôme. Et on est censés être de son côté.
Ah, si seulement tous les élèves pouvaient devenir gentils du jour au lendemain !
Ah, si seulement le droit de porter une arme n’était pas garanti par le deuxième amendement ! La série de Netflix ne s’embarrasse pas avec la complexité des rapports humains ou l’histoire. Un peu comme le néoféminisme. A Liberty, la « liberté d’importuner » chère à Elisabeth Levy n’a pas droit de cité.
Chacune des 13 cassettes est consacrée à l’un des protagonistes auquel Hannah s’adresse post mortem. Tous sont mortellement conformistes et interagissent entre eux comme des robots. Il y a bien un violeur dans la série. Il a droit à sa cassette. Mais elle n’a pas une durée plus longue que les autres. La série met donc ce crime sur le même plan que le harcèlement scolaire (« bullying »). Ici, la société entière est coupable. Le violeur bien sûr. Mais aussi les garçons, les profs, le CPE, les parents qui divorcent…
Génération désenchantée
La photographie de la série est assez froide. A l’image de la société glaçante d’ennui qu’elle met en scène. Une société de la calinothérapie où chaque rapport humain est scruté. Le corps social puritain s’organise pour tenter de bannir tout comportement inapproprié. Le prix à payer pour prévenir le viol ?
Les rapports amoureux peuvent être compliqués. Pour les ados de 13 Reasons why, ils le sont de façon systémique. Car le sexe, c’est un truc sale. La série est un reflet assez parfait de notre époque : toujours plus connectée par la technologie, la génération Z est inadaptée aux rapports sociaux. Obsédée par le genre, assurément plus violente, elle est aussi plus vicieuse.
Le lycée de Liberty est pourtant formidablement multiculturel, mixte ou multiethnique. Chaque « minorité » est représentée et, si vous ne l’aviez pas encore deviné, ce sont les homosexuels qui semblent y vivre l’amour le plus pur. Cette ambiance aliénante où les chouineurs sont portés aux nues s’amplifie aussi dans le monde réel. « 60 millions de consommateurs » nous rappelle, par exemple, chaque mois qu’on ne peut plus rien acheter sans risquer le cancer immédiat (savons, lessive, thé vert ou chicorée).
Bonne chance, déprimée et déprimante génération Z…
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