C’est une étude de l’Association américaine de psychologie (APA) qui nous l’apprend: la masculinité et ses valeurs traditionnelles sont « nocives » pour la santé. Rassurez-vous, il n’est pas trop tard pour vous soigner: l’homme nouveau sera une femme ou ne sera pas.
Depuis un an, une guerre a éclaté en France entre les adeptes du lancer de cochon d’un côté, et les avocates du désir mâle, de l’autre. Comme à chaque fois que les Européens s’entredéchirent, les Américains débarquent pour pacifier le continent. Et cette fois-ci, pour le premier anniversaire de la publication de la tribune sur « la liberté d’importuner », ils ont décidé de mettre les choses au point d’une façon radicale : les hommes ne sont pas des êtres faibles que l’on pourrait encore sauver ; non, la masculinité elle-même a été officiellement déclarée problème psychologique à traiter.
« La masculinité traditionnelle est globalement nocive »
L’American Psychological Association (APA) vient de publier des directives concernant le traitement psychologique des hommes et des garçons. L’APA est l’organisme professionnel de défense et de régulation de la profession de psychologue aux Etats-Unis, comme le Conseil de l’Ordre des Médecins en France. C’est dire que ses directives ne doivent pas être prises à la légère, même si elles n’ont pas un caractère obligatoire pour les cliniciens, mais seulement indicatif.
On peut consulter deux versions des directives de l’APA: une abrégée et une détaillée. La première dit d’une façon non équivoque que pour en finir avec les problèmes des hommes ou causés par les hommes, c’est simple, il faut en finir avec l’homme ! « L’idée directrice de la recherche suivante est que la masculinité traditionnelle – marquée par le stoïcisme, la compétitivité, la domination et l’agression – est globalement nocive. Les hommes socialisés de cette façon sont moins enclins à développer des comportements sains. » Pauvres Cicéron et Marc-Aurèle ! Et pauvres de vous, ceux qui avez aimé Si… tu seras un homme, mon fils de Kipling, et qui n’étiez pas au courant que c’était nocif pour la santé !
On a droit à la tarte à la crème habituelle, c’est-à-dire au mensonge qu’à cause d’une éducation stoïque, les hommes ne seraient pas en contact avec leurs émotions, qu’ils les supprimeraient toutes, sauf la colère, et que cela leur serait hautement préjudiciable. On se demande comment tant d’œuvres d’art raffinées ont été produites par ces hommes pendant les heures sombres du patriarcat, pendant ces longs siècles obscurs d’avant la révolution féministe, alors qu’ils étaient conditionnés depuis leur enfance à ne rien sentir. Et c’est vrai que depuis que les émotions ont été libérées, on ne compte plus les chefs d’œuvres inoubliables, comme par exemple la chanson Kid d’Eddy de Pretto, à laquelle se réduisent finalement les directives de l’APA – d’ailleurs, le père d’Eddy était sûrement un atroce admirateur de Kipling.
Les dix commandements nouveaux
Dans la version détaillée des directives, on constante qu’inconsciemment s’y est glissé un reste de patriarcat – preuve qu’il est très difficile d’extirper le mal en soi – car ces directives sont au nombre de dix, comme… les dix commandements. Au-delà du jargon, je vous les résume en bon français :
1. La masculinité n’existe pas, ce n’est qu’une construction sociale (théorie du genre).
2. L’identité de l’individu est fluide, et s’il ne suit pas le flow, il souffre.
3. Les mâles blancs sont des privilégiés qui doivent payer pour des siècles d’oppression des femmes.
4. La seule bonne relation entre un homme et son fils, c’est d’être une seconde mère.
5. Les femmes peuvent tolérer les hommes à la maison, parce qu’ils rapportent quand même plus d’argent qu’elles, même si cela est injuste, et que c’est un signe de leur statut privilégié.
6. Il faut endoctriner et diffuser cette doctrine pour sauver les hommes d’eux-mêmes et de leurs conceptions nocives.
7. Plus particulièrement, il faut extirper avec gentillesse l’adhésion à la masculinité traditionnelle car celle-ci prône la compétition, donc elle conduit à la violence.
8. Les hommes doivent désormais s’occuper de leur santé autant que les femmes, et manger plus de légumes, et moins de viande ; arrêter de fumer, de boire et de conduire vite.
9. Les hommes doivent apprendre à pleurer comme des femmes, et tout ira mieux.
10. C’est vrai que les hommes peuvent être réellement victimes de violences, mais c’est leur stoïcisme qui les empêche de demander de l’aide.
Honni soit qui mâle y pense
Ce qui est tragique, c’est qu’avec une telle orientation, l’APA s’est définitivement aliéné les patients hommes. Cette publication discrédite complètement l’ensemble de l’ordre, qui apparaît comme le simple porte-voix d’une propagande néo-féministe. Alors qu’elle prétend s’occuper des hommes et de leurs problèmes spécifiques, elle déclare pathologiques les valeurs conservatrices – stoïcisme, domination, compétitivité et agressivité – et ne fait ainsi que soutenir un agenda politique local très facile à deviner : combattre Donald Trump.
Ce faisant, elle enfreint aussi ses propres règles d’éthique. L’APA s’oppose à la « thérapie de conversion », qui consiste à traiter des patients qui souhaiteraient changer d’orientation sexuelle. Pour s’y opposer, l’APA a invoqué, à juste titre, les prédispositions… naturelles des personnes en cause. Or, pour ces éminents psychologues, quand il s’agit de la masculinité, la nature n’explique soudainement ni l’agressivité ni l’esprit de compétition ni la volonté de dominer, et peut être souverainement ignorée. D’un point de vue thérapeutique, quel sera l’impact réel sur la santé des hommes de cette « thérapie de déconversion » ? N’accroîtra-t-elle pas la haine de soi et le malaise que de nombreux hommes ressentent déjà ?
Les nouveaux disciples de l’homme castré
Au-delà de leur jardon indigeste, ces directives m’ont rappelé les thèses que développait Valérie Solanas dans le SCUM Manifesto. SCUM est l’acronyme pour « Society for cutting up men » (« Association pour châtrer les hommes ») et Valérie Solanas était une psychopathe[tooltips content= »Voir René Kaës, L’idéologie: l’idéal, l’idée, l’idole, pp. 94-96. Solanas semble avoir été une grande paranoïaque. »]1[/tooltips] qui a connu son quart d’heure de célébrité warholien, justement pour avoir essayé de tuer… Andy Warhol. Jugez sur pièces : « L’homme est une femme manquée, une fausse couche ambulante, un avorton congénital. Être homme c’est avoir quelque chose en moins, c’est avoir une sensibilité limitée. La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes. L’homme est complètement égocentrique, prisonnier de lui-même, incapable de partager, ou de s’identifier à d’autres; inapte à l’amour, à l’amitié, à l’affection, la tendresse. Cellule complètement isolée, incapable d’établir des relations avec qui que ce soit, ses enthousiasmes ne sont pas réfléchis, ils sont toujours animaux, viscéraux, son intelligence ne lui sert qu’à satisfaire ses besoins et ses pulsions. »
Valérie Solanas a écopé de trois ans de prison, puis elle a sombré dans l’anonymat, la toxicomanie et la prostitution. Cinquante ans plus tard, elle reste pourtant une icône du féminisme, et son manifeste inspire même les militantes d’aujourd’hui. En 1968, elle était l’unique membre de l’ « Association pour châtrer les hommes ». Mais aujourd’hui, forte de milliers de psychologues cliniciens, l’APA semble avoir pris la relève pour imposer sa vision folle à la société américaine et, par conséquent, à la nôtre.
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